Dans cette contribution au colloque, Alain Muller aborde quelques résultats de sa recherche (auto-)ethnographique portant sur une nouvelle forme d’activité sportive nommée street workout, calisthenics ou barhitting par ses pratiquants. Inspirée par la gymnastique, le bodybuilding ou encore le parcours, cette discipline athlétique consiste à performer des enchaînements de différents exercices dits « au poids du corps » et de leurs variations, principalement à la barre fixe, mais aussi à même le sol. La plupart des pratiquants s’accordent sur le fait que c’est une série de vidéos tournées dans des parcs publics à New York et postées sur le portail Internet YouTube dès le milieu des années 2000 qui marque véritablement la naissance du street workout dans sa forme actuelle. Ces premières vidéos ont immédiatement rencontré un énorme succès sur Internet, si bien qu’aujourd’hui, la pratique du street workout s’est largement diffusée mondialement et s’accompagne presque systématiquement de l’identification des pratiquants à une forme de « communauté imaginaire transnationale ».

Dans cette présentation, Alain Muller engage une réflexion autour de la notion d’addiction en regard de cette « communauté de pratiques ». Il s’intéresse premièrement aux discours de justification et de promotion de la pratique du street workout tenus par ses adeptes. Plus précisément, il se penche sur la fréquente mobilisation, dans ces discours, de la notion d’addiction et montre que celle-ci n’est jamais problématisée en tant que pathologie, mais renvoie au contraire à la passion pour – et la rigueur à – l’entraînement, valeurs perçues comme positives et très largement promues dans ce monde. Il élargit ensuite la discussion en se demandant dans quelle mesure l’intense engagement dans l’ensemble des activités liées à cette communauté de pratiques, notamment le respect des conventions relatives au traitement du corps qui y sont partagées, « débordent », du point de vue de leurs implications et conséquences, sur d’autres formes de logiques, de régimes et de cadres d’action (professionnels notamment), réfutant ainsi, dans une certaine mesure, la thèse d’un « homme pluriel » qui active et désactive à volonté des répertoires propres à chaque mode d’action.