RAT du RAT, RAT du RAT Janvier 2018
Publié le 23/01/2018

Le 18 octobre, l’agence Belga publie un communiqué sous le titre:

Cannabis, de nouvelles dispositions qui oscillent entre tolérance et tolérance zéro…. 

Le ministre de la Justice Koen Geens a justifié mercredi par des nécessités légistiques le fait, pour le gouvernement fédéral, d’avoir légiféré sur la détention du cannabis dans un arrêté royal du 6 septembre dernier sur les psychotropes.

La Cour d’arbitrage a annulé en 2004 les dispositions légales de la loi de 2003 dépénalisant partiellement la possession de cannabis pour usage personnel, deux arrêtés royaux pris dans la foulée étant devenus depuis largement obsolètes. Le gouvernement a souhaité clarifier les choses en restaurant l’esprit de la réforme de 2003, partiellement traduite depuis dans une directive du collège des procureurs généraux accordant la priorité la plus basse en matière de poursuites à la détention de cannabis pour usage personnel, sans circonstances aggravantes.

Le nouvel arrêté royal « n’a pas de nouvelle interprétation légale », a indiqué en commission de la Chambre le ministre Koen Geens interrogé par le député PS André Frédéric. « Il s’agit donc de restaurer l’esprit de la réforme de 2003, mais dans un texte de meilleure qualité et suffisamment précis pour que chacun sache ce qui est permis ou pas ». Et, a assuré M. Geens, « ceci n’entraîne pas de modification fondamentale de la politique en vigueur en matière de drogues, qui est reprise depuis 2015 dans la nouvelle directive ».

Alors que l’accord de gouvernement fédéral prévoit une politique de tolérance zéro à l’égard des drogues, le ministre a rappelé que cette directive prévoit déjà d’agir « plus sévèrement » face aux constats de possession du cannabis pour usage personnel, étant donné que « le produit illégal sera toujours confisqué par le service de police ayant fait le constat ».

Mais a aussi rappelé le ministre, la même directive énonce que, pour un usage personnel, « la possession d’une quantité de cannabis inférieure à 3 grammes, ou d’un seul plan de cannabis, sans indication de vente, sans circonstances aggravantes ou trouble de l’ordre public, continue de faire l’objet de la priorité la moins élevée aux poursuites et donnera lieu à un procès-verbal simplifié ».

En fonction d’impératifs locaux, cette tolérance peut toutefois être suspendue. Car, a insisté le ministre, « conformément à l’accord de gouvernement, la Belgique n’applique effectivement pas de politique de tolérance vis-à-vis des drogues illégales ».

 

Cette petite information attire bien entendu immédiatement l’attention de la FEDITO, chargée de veiller aux « intérêts », c’est-à-dire aux conditions de travail, des diverses institutions qui en sont membres. Et l’arrêté royal de septembre est alors examiné dans son ensemble.

Effectivement, en matière de cannabis,  c’est le retour à la tolérance si pas zéro, en tous les cas « tendant vers le zéro »…  Même si le R.A.T. n’a jamais vraiment brillé par une position « anti prohibitionniste » en matière de drogues, considérant que son objet est avant tout le soutien à l’accueil des usagers de drogues au sein de la première ligne, un retour en arrière, dans un moment où tous les pays européens,  (pour le meilleur ou le pire, seul l’avenir nous le dira), tendent vers l’ouverture peut néanmoins soulever des questions, surtout dans le contexte politique général dans lequel nous évoluons.

Néanmoins, ce qui a motivé le recours était bien différent: il est rapidement apparu, à l’examen du texte voté en septembre, qu’en même temps que la diminution de la tolérance vis-à-vis du cannabis, une diminution générale vis-à-vis de la tolérance s’était ajoutée qui allait compliquer lourdement la tâche de nos services et même des médecins prescripteurs en général…

Jugez en vous-même, d’après les propos de la juriste consultée, qui nous parle de l’article 63 que je vous cite ici :

Tout médecin, médecin-vétérinaire ou licencié en science dentaire, qui aura prescrit ou acheté des quantités excessives de médicaments, devra pouvoir justifier de leur emploi devant la Commission médicale de la circonscription administrative qui est assistée par le fonctionnaire compétent.

Vous me direz que cela ne change pas grand-chose aux dispositions actuelles, auxquelles nous sommes habitués et largement soumis, sans conteste.

La juriste note cependant que :

Cette disposition prévoit notamment que le médecin qui aurait prescrit ou acheté des quantités excessives de médicaments devra pouvoir justifier de leur emploi.

Elle pourrait être remise en cause par un médecin, même si elle reprend la substance d’une disposition déjà existante.

D’une part, la section de législation du Conseil d’Etat a relevé que « Dans la mesure où la disposition en projet règle toutefois la prescription de produits en quantités excessives, un fondement juridique exprès est requis. Ce fondement juridique n’existant pas, même dans la loi sur les professions des soins de santé, les motifs « prescrits ou » doivent être omis de la disposition en projet » (avis SLCE, point 4.1.4 ; MB, 26/09/2017, p.88124). L’auteur de l’acte a donc outrepassé sa compétence.

D’autre part, la notion de quantité excessive est trop floue que pour respecter le principe de prévisibilité, de légitime confiance et de sécurité juridique.

Qu’en effet, une fois de plus la méfiance est de rigueur. Et c’est ce que l’on retrouve partout, la méfiance envers les corps  (para)médical, la suspicion, l’arbitraire instauré en légitimité.

L’idée n’est évidemment pas de n’avoir pas de comptes à rendre; mais la question est « à qui », « dans quelles circonstances », « pour avoir fait quoi »?

On sait le corps médical belge jusqu’ici solidement engagé dans un combat pour maintenir le plus haut possible les standards d’écoute, d’accueil, d’ouverture; on sait les risque qu’il a pris, pas si anciens, dans le combat pour la dépénalisation de l’IVG, pour la prescription de substitution, pour l’accueil aux réfugiés.  Je passe ceux que je n’ai pas connus mais dont nous savons tous l’existence.

Il nous a semblé que toute riposte, même symbolique, contre la méfiance instituée et répétée valait  le coup d’un recours.

Ce sont deux généralistes qui portent ce recours pour sa part médicale, le président d’ALTO, le docteur Dominique Lamy et moi-même.

La suite au prochain numéro…

 

Par Claire Remy