RAT du RAT, RAT du RAT Septembre 2016
Publié le 14/09/2016

C’est en retranscrivant les conférences des anciens colloques afin d’éditer les actes que je suis tombée sur la conférence de Bruce BÉGOUT : L’équilibre quotidien ou la mesure anthropologique. Contrairement à la plupart des autres conférenciers, Bruce Bégout n’est ni travailleur social, ni médecin, ni psychanalyste, ni anthropologue. Il est philosophe. Sa démarche intellectuelle diffère donc un peu de ce que nous avons l’habitude de présenter à nos colloques. Ici, pas de terrain, pas de concret, pas de population en difficulté. Juste de la vie, de la théorie de la vie. Et je pense que ça peut parler à tout le monde, justement ! En tout cas, ça m’a parlé, à moi…

Bruce Bégout aborde donc la quotidienneté d’un point de vue philosophique. La plupart des grands philosophes modernes, ou plutôt ce qu’on en dit, ce qu’on en répète, ainsi que les artistes, depuis quelques siècles, parlent du quotidien comme quelque chose de négatif ; il représente la routine, la banalité, l’ennui. L’horreur. Ils disent, ou on dit qu’ils disent que la grandeur de la vie, sa beauté, s’attrapent par les choses folles, imprévues, intenses. Ce que soutient Bruce Bégout, c’est un peu le contraire. Enfin, pas exactement l’opposé, mais il dit que, comme dans tout, il faut de la mesure, de l’ÉQUILIBRE.

Selon lui, l’humain est, à la base, avec une grande anxiété. L’angoisse d’être en vie sans savoir pourquoi, l’angoisse de ne pas trouver de sens à notre existence, l’angoisse de la mort, l’angoisse de ne pas savoir ce qu’il y a après, l’angoisse de l’éternité. La quotidienneté, les actes répétitifs, qu’on connaît, qu’on maîtrise, nous rassurent, nous apaisent, et nous permettent d’avancer, de continuer à vivre chaque jour. Les petits bonheurs quotidiens. Et les petits malheurs aussi : souffrir en sachant pourquoi a quelque chose de moins terrifiant que l’angoisse du vide, du tout.

Cependant, comme je l’ai dit, Bruce Bégout suggère que seul l’équilibre entre quotidien et aventure peut former l’extase. En effet, dans « extase » il y a « ex » : sortir de soi, s’ouvrir à l’autre, à l’inconnu, à l’imprévu, à la grandeur. Mais il y a aussi « stase », la constance, la répétition, la modération, qui forme la base sur laquelle s’appuyer pour s’envoler.

Je suis plutôt d’accord avec cela. Si jamais on ne savait de quoi est fait demain, si jamais on ne pouvait dire qu’on apprend, qu’on sait, si jamais on ne pouvait se baser sur nos expériences et notre vécu, si jamais on ne pouvait vivre de choses simples ou entendues, la vie serait terriblement angoissante, fatigante. Voire même inintéressante ? Les choses ne prennent de la valeur, pour moi, que parce qu’elles sont dans un tout et qu’elles sortent du lot… La quotidienneté a quelque chose de beau aussi, c’est ce qui nous permet d’aimer, de créer et de prendre le plaisir que nous offre la vie.

« Il y a deux extrêmes de la quotidienneté : l’inquiétude originelle et la quiétude finale, qui est au fond une mort dans la vie, l’ennui. Mais la quotidienneté générale n’est ni cette inquiétude originelle ni cette quiétude finale ; elle est cet art, cet accord, cet équilibre. Donner une mesure avec le rapport au monde, à l’autre, n’est pas donné ; il est sans cesse réinventé, reconstitué, c’est pour ça que la quotidienneté est de l’ordre aussi d’une créativité, d’une inventivité. »

Par Lydie De Backer