RAT du RAT, RAT du RAT Novembre 2017
Publié le 13/11/2017

Le Comité de Vigilance en Travail Social est né dans la foulée d’un événement survenu en 2002. En juin de cette année-là, deux travailleurs sociaux sont arrêtés et incarcérés à la prison de Bruges. Leur crime : être venus en aide à des illégaux, en situation irrégulière en Belgique. Accusés de trafic d’êtres humains et d’association de malfaiteurs, ils sont assimilés à des mafieux qui organisent des filières de travail au noir et des réseaux de prostitution pour s’enrichir en exploitant la détresse de ceux qui rêvent d’un avenir meilleur en quittant leur pays d’origine. L’aide juridique, sociale et humanitaire aux familles dénuées de titre de séjour en Belgique est-elle, tout-à-coup, devenue un délit ? Ceux qui viennent au secours des réfugiés doivent-ils désormais être confondus avec ceux qui les exploitent ? Veut-on criminaliser l’aide humanitaire et empêcher le travail social ?

Que dit le droit ? Ces deux travailleurs sociaux étaient poursuivis sur base de l’article 77 de la loi de 1980 relative au séjour des étrangers, qui permet de sanctionner pénalement une personne qui aide ou assiste sciemment un étranger en situation illégale. En 1996, une exception a été introduite pour écarter la sanction pénale lorsque l’aide ou l’assistance a été portée pour « des raisons essentiellement humanitaires ». Interpellé au Sénat dans le cadre de ce dossier en 2006, Patrick Dewael, le ministre de l’Intérieur de l’époque, précise le caractère très restrictif de l’exception humanitaire : « Il n’y a donc aucun doute quant à la nature infractionnelle d’un séjour illégal et de l’aide apportée à cette catégorie d’étrangers. Si cette aide est d’ordre humanitaire, elle ne constitue pas une infraction ». Mais il ajoute : « Elle n’est pas pour autant conciliable avec la politique générale qui veut que les étrangers en séjour illégal quittent le territoire. »

 

Ce sont l’arrestation et l’emprisonnement de ces deux travailleurs, les raisons invoquées par la Justice pour les poursuivre, l’indignation que cette « affaire » a suscitée, et le risque de dérive des politiques sociales qui ont donc donné naissance au CVTS.

Les événements de 2002 peuvent s’expliquer de deux manières. La première, la plus rassurante : l’erreur judiciaire. Ils ont, d’ailleurs, été acquittés et blanchis en première instance et auprès de la Cour d’Appel de Gand en novembre 2006.

La seconde explication est plus inquiétante : la remise en question radicale des attentes sociales des politiques et des acteurs de la société civile. La remise en cause des mécanismes de solidarité. C’est, malheureusement, cette seconde piste qui est aujourd’hui la plus crédible.

 

En 2003, c’est à travers ce soutien et l’indignation du terrain qu’est né le CVTS, une association de fait, militante et bénévole.

 

Il a fallu baliser notre action. C’est ainsi que des objectifs se sont dessinés, qui donnent le cadre de nos interventions :

  • Lutter contre l’instrumentalisation du travail social à des fins sécuritaires ou répressives,
  • Maintenir les conditions d’exercice du travail social,
  • Proposer des formations continuées des travailleurs sociaux en matière d’éthique et de déontologie,
  • Réintégrer la déontologie dans les pratiques du travail social,
  • Rappeler la centralité de la relation de confiance entre le travailleur social et l’usager,
  • Mobiliser les travailleurs sociaux pour créer un rapport de force favorable,
  • Instruire les dérives vers le politique.

 

Nous avons délibérément choisi de parler de travail social pour rester ouverts à toutes les professions qui concernent l’action sociale. Ainsi, nous comptons parmi nos membres des assistants sociaux, des éducateurs, des psychologues, des médiateurs, etc.

 

Au quotidien, ce sont 14 professionnels issus des secteurs de l’enseignement, des syndicats, de la Ligue des Droits de l’Homme, de la jeunesse, des CPAS et d’associations privées qui se réunissent tous les 15 jours pour répondre aux interpellations faites par mail ou par téléphone.

Cela va de la demande d’intervention dans un colloque à la formation d’une équipe, en passant par la rédaction d’article. Mais la plus grande partie de nos interventions concernent des demandes de professionnels qui se questionnent sur leur pratique, qui font face à des dilemmes éthiques ou qui souhaitent préserver leur secret professionnel face à des sollicitations de la police.

 

Au fil des années et à travers les témoignages reçus, nous constatons que le travail social est de plus empêché. L’actualité en matière de secret professionnel en est une triste et révoltante expression. Il nous semblait important d’agir collectivement pour soutenir les fondamentaux de nos pratiques sociales et de dénoncer la banalisation et le non-respect de ceux-ci. C’est ainsi qu’a été rédigé le « Manifeste du travail social » : conçu pour être un outil à la disposition des travailleurs sociaux et aussi d’interpellation politique pour faire valoir les préoccupations de terrain. Car une société qui fait le choix d’avoir des travailleurs sociaux en son sein se doit de leur garantir les conditions nécessaires à l’exercice de leurs professions.

Aujourd’hui, plus que jamais, avec ce Manifeste, nous voudrions non seulement exprimer aux travailleurs sociaux qu’ils ne sont pas seuls, mais aussi leur permettre de participer à la construction de lendemains meilleurs en se saisissant de cet outil, tant pour réfléchir leurs pratiques que pour les défendre et les faire reconnaître.

 

Pour nous contacter :

Par mail : info@comitedevigilance.be

Par téléphone : tous les jeudis entre 14h et 17h au 02 346 85 87

 

Pour mieux nous connaître : www.comitedevigilance.be