Colloque 2016: un bilan haut en couleurs
Un peu différente des années précédentes, la version 2016 de notre colloque fut fertile en rencontres et nous amène de nombreuses nouvelles ouvertures. Beaucoup de questions en chantier sur le terrain ont été abordées et « instruites » au cours de ces deux journées de travail.
Situé dès les débuts à la charnière entre les soins de première ligne et les dispositifs spécialisés autour de l’addiction, au sein desquels il a depuis un moment déjà trouvé sa place, le RAT cherche à multiplier les contacts avec les intervenants de première ligne. Le lunch médecin, une fois de plus cette année, largement fréquenté, fut une superbe occasion de retracer la réflexion en cours autour de ce qu’on nomme aujourd’hui « la ligne 1.5 », c’est-à-dire tout le dispositif d’appui, mis au point peu à peu au cours des 15 ou 20 dernières années, pour soutenir sans étrangler et avec efficacité les médecins généralistes dans leur mission de soins de première ligne.
Le débat autour des différents dispositifs à mettre en place, ouvre la porte à une riche réflexion quant à leur organisation et leurs spécificités: faut-il les penser en fonction du type de pathologie, en fonction de la durée présumée du soutien, en fonction du type de public concerné? Quel serait le meilleur soutien pour les MG? Trop souvent, nous sommes confrontés à des dispositifs imposés par le haut, le plus fréquemment hospitalo-centrés ou limités dans le temps, qui ont pour effet de « saucissonner » les malades et leurs pathologies. Corollairement, les MG ont souvent du mal à apprivoiser ces dispositifs qui ne sont pas réellement pensés autour de leurs pratiques, et très chronophages. Les réflexes alors de s’isoler, ou de se regrouper « entre soi », ou pire encore, de lâcher prise et de « déléguer » mais pas par choix, par résignation, prennent le pas sur une collaboration bien pensée.
Les présentations riches d’expériences vécues, des différents représentants de services de type « 1.5 », que nous avons entendues nous ont bien montré, à défaut de toutes les réponses, à tout le moins tous les angles par lesquels on peut prendre le problème et les solutions offertes qui sont multiples et si souvent ingénieuses et créatives.
Un lunch médecin, animé et porteur, qui restera un beau moment d’élaboration commune dont chacun est reparti, nous le croyons bien, prêt à de nouvelles collaborations.
Pour la journée du vendredi, nous avions choisi de nous centrer sur la réflexion autour des nouvelles logiques d’intervention qu’induit la notion de vulnérabilité des populations, notion dynamique, comprenant aussi la reconnaissance des capacités des populations de se défendre et de s’organiser, notion avant tout relationnelle et qui permet de penser des politiques qui s’appuient sur les capacités tant des acteurs de soin que des populations en souffrance. Nous nous sommes livrés à un exercice pratique en quelque sorte en y invitant les acteurs du projet FEDER, dispositif centré sur la notion d’intégration des différents services pour offrir plus de possibilités à un public particulièrement fragilisé.
Le résultat fut à la mesure de nos attentes: penser un tel projet ouvre à des questions complexes et particulièrement percutantes. Au fil du débat, celles qui ont été le plus explorées concernaient, avant tout, la faisabilité concrète du projet: quels moyens, et où les trouver? À qui s’adresser?
Mais derrière ces questions pratiques, la difficulté d’envisager des constructions transversales entre institutions qui ont chacune une histoire, un passé, des habitudes et une culture spécifique, semblait probablement être celle qui soulevait le plus d’angoisse. Même avec beaucoup de bonne volonté, cela implique de solides modifications de comportement, et le changement n’est pas ce que l’humain préfère ou ce qu’il aborde le plus facilement.
Néanmoins beaucoup d’espoir, d’enthousiasme et de volonté se sont manifestés pour trouver des issues pour rompre l’inexorable accroissement des inégalités en matière de santé et de la médecine à deux vitesses qui guette et gagne du terrain.
Un bémol quant à la journée du samedi, plus spécifiquement anthropologique, dont les exposés étaient pourtant impressionnants quant aux ouvertures sur des questions qui hantent notre quotidien: qu’est ce qui peut se tramer derrière de simples revendications antiracistes, d’autonomie et d’autochtonie par exemple, à quoi servent les congrégations religieuses, ou comment le web nous traverse, toutes ces apories et paradoxes des notions liées à la démocratie. Le public du samedi était cependant bien moins présent que celui du vendredi, et hélas nous restons peu nombreux pour ces discussions pourtant réellement éclairantes.
Peut-être un mieux l’année prochaine?
À bientôt donc sur le site pour des extraits des débats et exposés, mais aussi pour les textes des orateurs, et bientôt la version des actes de 2012 et 2013.
Par Claire Rémy