Retrouvailles africaines pour le RAT
Lors de ce printemps, la FEDITO nous a transmis une demande émanant du groupe Pompidou dans le cadre du réseau « Med Net », réseau des pays riverains de la Méditerranée, pour accorder leurs politiques et en l’occurrence ici, pour accorder leurs politiques de « gestion drogues ». Il semble évident que la Belgique ne possède aucune côte méditerranéenne (notez c’est dommage….) mais l’expertise de pays comme la Belgique et la Suisse dans le domaine spécifique des « TSO » (traitements de substitution aux opiacés) a semblé suffisamment utile aux organisateurs pour qu’ils oublient ce détail et nous offrent le voyage à Alger pour la durée du colloque.
Nous sommes donc partis pour Alger pendant ce mois d’avril (j’ai donc dépassé ma panique de l’avion pour embarquer). Logés une petite semaine dans un paradis (l’hôtel Sheraton sur la plage) à une dizaine de kilomètres d’Alger, avec plage privée, piscine intérieure et extérieure, mais….
Interdiction de sortir de là tout seul pour cause de sécurité, tout déplacement se faisant tous ensembles, accompagnés de quatre barbouzes dans deux voitures noires.
Ce colloque a rassemblé près d’une centaine de personnes. Les participants, algériens, le plus souvent des médecins généralistes, quelques psychiatres des grandes villes d’Algérie, et les orateurs, des médecins venus de tout le pourtour méditerranéen ; Tunisie, Maroc, Liban, Palestine, Egypte, Grèce, pour raconter la situation difficile dans laquelle sont les usagers de drogues dans ces pays et ceux qui souhaitent leur venir en aide. J’ai ainsi appris qu’en Tunisie, le principal opiacé utilisé comme drogue est le Subutex, détourné de son objet premier. L’objectif de ces rencontres était d’une part de faire le point sur l’état de l’épidémie d’usage de drogues dans chacun des pays, mais aussi de promouvoir la diffusion des TSO vers l’Algérie, pays resté jusqu’ici imperméable à la méthadone/buprénorphine qui sont tout simplement absents de leur pharmacopée.
Nous avons bien entendu largement présenté le « modèle belge », comme vous le savez tout en concertations et compromis à tous les niveaux. Pratiques peu usitées en Algérie, quoique certaines personnalités présentes et influentes aient l’oreille du pouvoir. Nous avons largement expliqué le modèle RAT et comme à chaque fois avec un grand succès et beaucoup d’intérêt.
Nous avons aussi rencontré là des gens particulièrement engagés, sympathiques, pleins de bonne volonté, oeuvrant en Algérie ou ailleurs, avec qui nous avons passé les inévitables moments festifs, compléments indispensables des congrès et colloques.
À la suite du colloque, les collègues algériens ont été « envoyés » dans les différents pays présents lors du rassemblement, et certains sont venus ici à l’automne. Nous avons largement participé à les recevoir, et nous en avons profité pour, lors d’une demi journée de discussion avec eux, faire une large « pub » pour le modèle RAT avec toutes les explications utiles. Le message est passé, et nous verrons venir très probablement d’autres collègues algériens. Peut-être même une collaboration plus profonde, comme celle que nous avions eue avec le Sénégal, pourra se construire.
Mais ce qui m’a le plus marquée lors de ce colloque fut la présentation d’une doctoresse palestinienne de Jérusalem, qui racontait leur travail dans la partie palestinienne de Jérusalem, avec toutes les implications à la fois médicales, politiques et militaires. Un programme méthadone a été mis en place malgré tout. Entendre ainsi raconter leur vie si difficile, et voir le courage quotidien de ces travailleurs, m’a rappelé (mutatis mutandis) nos anciens combats, et donné un peu d’espoir pour un avenir meilleur.
Comme à chaque fois qu’on a le courage ou l’opportunité d’aller voir sous d’autres cieux comment les choses se passent, ce grand vent du large stimule nos réflexions et transforme nos pratiques, pour le plus grand bonheur de notre imagination.
Par Claire Rémy